Prix des cigarettes et consommation

La répercussion des prix du tabac sur la consommation est un phénomène complexe.

Il y a bien sûr un certain nombre de fumeurs qui envisageaient d'arrêter de fumer et qui vont choisir ce moment pour le faire et puis il y en a d'autres qui continueront de fumer malgré leurs difficultés financières…

Sur le plan de la santé comment évaluer les bénéfices d'une telle mesure ?

Les études des économistes citées par C.Hill, épidémiologiste, démontrent que lorsque le prix du tabac augmente de 10 %, on observe 3 % de diminution de la consommation. Ce phénomène est lié au coefficient d'élasticité¹ qui, pour le tabac comme pour les produits addictifs, n'est pas de 1 mais de 0,3 à 0, 5.

On peut attendre également une dérive de consommation vers des tabacs moins coûteux, comme les tabacs à rouler qui sont plus nocifs ou/et les tabacs de contrebande dont le marché est de plus en plus important et ne rapporte aucune taxe à l'Etat. Il existe de plus dans certains pays des marques génériques comme les génériques des médicaments qui sont moins chers. La plupart sont accessibles sur Internet.

Donc, s'il y a compensation, il y aura peu de bénéfices, globalement pour la santé

Sur le plan économique individuel, l'expérience montre que moins de 30 % des fumeurs sont sensibles au coût de leur consommation de cigarettes. Dans une consultation de tabacologie où les questions posées portent sur le prix du paquet de cigarettes et du budget annuel de tabac, les fumeurs répondent qu'ils achètent leurs cigarettes par cartouches, et par conséquent ils n'en savent pas exactement le prix. On constate également qu'ils n'ont pratiquement jamais calculé leurs dépenses directes annuelles en tabac.

Sur le plan social, la diminution de consommation n'affaiblira ni les revenus des compagnies de tabac, ni le revenu lié aux taxes de l'état, bien au contraire.

Le niveau de l'augmentation des prix doit atteindre 10 % pour avoir une efficacité ; les augmentations inférieures n'entraînant pas de modifications significatives.

Les bénéfices en termes de santé publique sont plus visibles à la longue qu'immédiatement. (Chaloupka)

En effet si l'adule répond peu à une augmentation des taxes, il faut cependant prendre en compte l'impact que peut avoir une hausse de prix d'au moins 10% sur deux populations sensibles : les adolescents et les femmes enceintes.

Pour l'adolescent, la part de son budget dédié aux cigarettes est proportionnellement plus importante que celle de l'adulte et toute augmentation de prix constitue une limite. On remarque alors que l'âge de la première cigarette est retardé car les aînés ont moins tendance à partager avec les plus jeunes. Après la phase d'initiation, l'entrée en tabagisme régulier est diminuée de 10 à 12 % (Touras).

Il apparaît clairement que les industriels du tabac, pour compenser ce déficit éventuel, engagent des stratégies marketing en direction des jeunes en réalisant des paquets moins chers contenant 5 à 10 cigarettes ; donc plus accessibles.

Les femmes enceintes sont aussi sensibles à l'augmentation de prix ; déclic supplémentaire pour cesser leur consommation.

Tous les auteurs sont unanimes : les taxes supplémentaires ne sont efficaces que lorsqu'elles s'accompagnent de véritables campagnes d'information et d'éducation. Elles ont peu d'impact sur la santé lorsqu'elles servent à boucher des trous de budget...

¹ Coefficient d'élasticité représente le pourcentage de changement de consommation observé rapporté au pourcentage d'augmentation de prix